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  • Thibault Bissirier

Là où le cœur palpite

À propos de deux Paysages de Jérémy Liron


Jérémy Liron

Paysage 158, 2018, huile sur toile

Diptyque : 162 x 130 cm chaque

(Courtesy artiste & Galerie Isabelle Gounod)




Inoubliable décor du long métrage Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963), la Villa Malaparte se niche dans la baie de Capri, en Italie, comme un vaisseau échoué sur son promontoire rocheux, au travers les fenêtres duquel le paysage se découvre par bribes, par séquences.


Fortement marqué et inspiré par l’architecture et le site de ce lieu mythique, Jérémy Liron en a offert plusieurs versions, dont ce récent diptyque qui, par la division du cadrage, rejoue en double l’effet d’ouverture que l’une de ses baies réserve au visiteur.


Le traitement des surfaces et la trace visible de son geste ajoutent au mystère d’une quasi-monochromie verte l’incertitude qui menace toute représentation, et partant la fragilité de toute image. D’un panneau à l’autre, du dedans au dehors, le regard glisse et un silence s’ouvre, qui est celui de la peinture. Une peinture de l’instant et de la mémoire, habitée toute entière par l’esprit du lieu. Mais un lieu déserté et comme sourd au monde qui l’entoure.


Emblématique de l’œuvre de Jérémy Liron et de son travail sur le ressouvenir des lieux (des parages, des périphéries), Paysage 158 concentre au reste l’essentiel de ses recherches sur les principes de cadrage (empruntés aussi bien à l’histoire de la peinture qu’au cinéma et à la photographie), le traitement de la lumière et des ombres colorées, ou bien encore l’épuration des motifs architecturaux et du paysage que leurs arrêtent découpent sur l’horizon.





Jérémy Liron

Paysage 134, 2016

Huile sur toile, 160 x 120 cm

(Courtesy artiste & Galerie Isabelle Gounod)




Paysage 134 offre un point de vue tout aussi singulier et personnel sur un autre lieu emblématique de l’architecture moderne : la cité radieuse du Corbusier, à Marseille.


Si Jérémy Liron, là encore, en réalisa plusieurs versions (aussi bien à l’huile sur toile qu’à l’encre sur papier) c’est que ce lieu a su retenir son regard, s’inscrivant durablement dans sa mémoire, tant pour ses qualités formelles que pour la familiarité que l’artiste entretient avec lui.


Ici, le cadrage déroute par sa force et son resserrement à l’extrême. Les larges pans de murs blanchis par la lumière, et comme soutenant un morceau de ciel impeccable, contrastent en effet violemment avec l’entaille profonde de l’arche qui, s’ouvrant au milieu des aplats, laisse paraître un cœur où palpite de plus vibrantes nuances de rouge et d’ombres.


Paysage 134 constitue à cet égard l’une des versions les plus remarquables de la série de Jérémy Liron ayant pour thème le toit de la cité radieuse, dont cette œuvre offre une vision tout à la fois radicale et sensuelle.



Thibault Bissirier, décembre 2019



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